Réactions et propositions de l’AFMJF suite à la décision du conseil constitutionnel du 8 juillet 2011

La décision rendue par le Conseil Constitutionnel le 8 juillet dernier suite à une QPC, nous a dans un premier temps abasourdis, comme nombre de juges des enfants et de professionnels de la justice des mineurs.
Pour éviter une réaction trop défensive, voire affective, quelques jours de réflexion nous ont semblé utiles avant d’en tirer les premières conséquences.

Tout d’abord, la question de la partialité supposée du juge des enfants, pour être analysée, doit être rapportée à l’ensemble du système d’une justice spécialisée.
Il faut ainsi rappeler que :

  • dans la composition de jugement le juge des enfants attaché à la personne du mineur est minoritaire du fait de la présence des 2 assesseurs.
  • e mineur bénéficie de garanties spécifiques, en particulier l’assistance obligatoire d’un avocat.
  • le principe de la continuité tend à une meilleure individualisation de la réponse judiciaire en fonction d’une évolution personnelle, plus que d’un acte.
  • la connaissance de la personnalité et la priorité éducative doivent jouer, en principe, en faveur du mineur.

Ces arguments étaient jusqu’à ce jour confortés par la jurisprudence de la Cour de Cassation et de la CEDH.

Pourtant, la décision iconoclaste du Conseil Constitutionnel apporte aussi une réponse à une critique ancienne des écueils du principe de la continuité personnelle.
Nous ne pouvons pas les écarter d’un revers de main et ne pas admettre l’existence de certaines dérives à l’égard d’un mineur “trop” connu de “son” juge.
De fait les entorses à la continuité personnelle sont déjà nombreuses, en particulier dans les juridictions d’une certaine taille : permanences, PIM…

Dans un réflexe salutaire (auquel notre fonction de juge des enfants nous pré-dispose !) et vue l’étroitesse de la marge de manœuvre - il faut l’admettre - l’AFMJF entend formuler des propositions qui tiendront compte des limites à apporter à la “continuité personnelle” et à la nécessité de valoriser la “continuité éducative” attachée à la spécialisation des acteurs de la justice des mineurs.
Ainsi nous proposerons :

  • la généralisation des “binômes” constitués de 2 juges des enfants : chacun jugeant les mineurs de l’autre, ce qui pourrait favoriser la concertation et l’utilité d’un véritable dossier unique de personnalité.
  • pour ce faire des tribunaux pour enfants constitués d’au moins 3 juges des enfants
  • la généralisation de la défense personnalisée des mineurs poursuivis.
  • à l’issue de l’audience du tribunal pour enfants le juge connaissant habituellement le mineur reprendra la main pour tirer les conséquences du passage au tribunal
  • le renvoi au JLD des décisions relatives à la détention dans le cadre des procédures de présentation immédiate.

Bien entendu de nouvelles habitudes de travail (moins individualistes) devront s’établir.
Mais ce renforcement de la spécialisation vient aussi souligner l’inadaptation de la création d’un tribunal correctionnel pour mineurs (disposition en cours d’examen par le Conseil Constitutionnel)

Enfin nous entendons souligner également que le projet de réforme de la justice pénale des mineurs proposé par l’AFMJF présente dans ce nouveau contexte d’importants avantages :

pour les affaires, simples quand aux faits, pour lesquelles la question de la culpabilité est résolue dés la première audience, le juge des enfants initialement saisi restera compétent jusqu’au bout de la procédure : césure, période d’épreuve, mise en état, jugement en cabinet ou devant le tribunal.
pour les affaires complexes ou contestées sur le point de la culpabilité, la phase d’instruction sera conduite par le magistrat initial qui renverra éventuellement devant un tribunal pour enfants présidé par un autre juge des enfants.

Pour consulter le projet de l’AFJMF complet